
Derrière la pompe, les ors et les honneurs qui entourent les adieux à Elizabeth II, les mouvements financiers, bien plus discrets, vont permettre à la dynastie de préserver l’essentiel du magot familial. À savoir les 425 millions d’euros de fortune personnelle de la reine, qui devraient revenir en grande partie à son fils aîné, le roi Charles III, évitant ainsi de payer des droits de succession, les transferts de souverain à souverain sont en effet exonérés d’impôts.
Ces sommes recouvrent les biens privés de la couronne, à savoir les châteaux de Balmoral et de Sandringham (évalués à 150 millions d’euros à eux deux), une remarquable collection de timbres commencée sous le roi George V (plus de 100 millions d’euros), des joyaux inestimables légués par la reine Mary et la Queen Mum , la mère d’Elizabeth possédait notamment une collection d’oeufs de Fabergé, des tableaux de maître, des pur-sang et un portefeuille boursier très opaque qui avait été pointé du doigt lors de l’affaire des Paradise Papers en 2017, quand on découvrit que les gestionnaires de la fortune royale avaient caché une partie des avoirs aux îles Caïmans et aux Bermudes. À noter qu’il existe également tout un patrimoine national inaliénable, comme Buckingham, Windsor, les joyaux de la couronne, des oeuvres d’art, dont les souverains ont la jouissance, mais qui ne leur appartient pas à titre privé.
Outre ces avoirs, la reine disposait en fonds propres des bénéfices de son duché de Lancaster, comprenant des centaines de biens immobiliers, des propriétés commerciales et des milliers d’hectares de terres agricoles. Le tout a rapporté environ 28 millions d’euros l’an dernier, permettant à Elizabeth II d’entretenir ses châteaux, d’arrondir les fins de mois de ses proches et d’assurer un certain nombre de dépenses officielles non couvertes par l’allocation annuelle versée par l’État, le fameux Sovereign Grant. Cette aide officielle, qui permet au monarque d’assurer son train de vie, est financée sur les bénéfices du patrimoine historique de la couronne britannique géré directement par l’État et comprenant un immense parc foncier et immobilier.
Quelques millions pour Andrew
Impossible de connaître les dispositions prises par la reine sur son héritage. Mais le duché de Lancaster revient de droit au nouveau souverain, à savoir son fils aîné Charles III, qui en profitera à sa guise, tout en cédant son propre duché de Cornouailles (26 millions de bénéfices annuels) à son fils aîné William, devenu le nouveau prince de Galles. Quant à la majorité du patrimoine privé (châteaux, timbres, bijoux, actions), on peut supposer qu’il reviendra de fait à Charles, même si la reine devrait tout de même laisser quelques millions à ses trois autres enfants, Anne, Edward et surtout Andrew, qui connaît de sérieux problèmes financiers. Mais dans ce cas-là, n’étant pas héritiers du trône, ils devront s’acquitter des droits de succession.
On ne saura sans doute rien de ces transferts, les Windsor obtenant des juges de la Haute Cour des ordonnances légales pour que les dispositions testamentaires restent confidentielles après le décès de leurs proches. Une pratique dénoncée en vain par le Guardian, qui estime que la famille royale devrait, comme tout un chacun, faire preuve de transparence pour éviter toute fraude. Mais on voit mal les Windsor changer une méthode bien huilée qui leur a permis de maintenir l’omerta sur des transferts d’héritage évalués à 200 millions depuis environ un siècle?
Charles III commence ainsi son règne bien pourvu : il était déjà à la tête d’une fortune personnelle estimée au bas mot à 100 millions d’euros, il devrait donc multiplier par cinq sa cassette privée avec l’héritage de sa mère? Mais il restera encore loin de certaines grandes fortunes royales comme celle du sultan du Brunei (20 milliards) ou du roi de Thaïlande (30 milliards).